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On utilise fréquemment le terme « dépression » pour décrire un passage à vide, une grande tristesse ou un coup de fatigue. Par confusion, certaines personnes affirment être un peu déprimées, avoir un coup de déprime, etc. Cependant, en psychiatrie, la dépression est un trouble bien défini.

Par Ana Paula Vidal Fornari, psychologue-conseil à l’INSA Strasbourg

La dépression : comprendre un trouble fréquent mais complexe

Selon les classifications médicales (DSM-5, CIM-11), on devrait nommer dépression, un épisode dépressif caractérisé par la présence d’au moins plusieurs des symptômes suivants, pendant deux semaines ou plus, presque tous les jours, dont au moins un des deux premiers :

  • Humeur triste, vide ou irritable, 
  • Perte d’intérêt ou de plaisir pour des activités habituellement agréables, 
  • Troubles du sommeil (insomnie ou hypersomnie), 
  • Fatigue importante, 
  • Changements d’appétit ou de poids, 
  • Difficulté à se concentrer, indécision 
  • Sentiments de culpabilité ou de dévalorisation, 
  • Pensées de mort ou d’autodestruction. 
  • Agitation ou ralentissement psychomoteur 

La dépression, c’est un trouble global qui touche les émotions, le corps et la pensée, et qui va avoir un impact dans le quotidien de la personne 

Selon la dernière étude européenne sur les troubles psychiques[1], en Europe, en moyenne 7,8 % de la population âgée de 16 à 85 ans va passer par un trouble dépressif sur les 12 derniers mois, dont 6,9 % pour lesquels il s’agira d’un épisode dépressif caractérisé. Le taux français serait plus important que le taux européen. Santé publique France[2] estime que 12,5 % des Français (18-75 ans) avaient vécu un épisode dépressif caractérisé pendant les 12 derniers mois. Ce taux serait plus élevé chez les 18-24 ans, arrivant à 20,8 % en 2021. 

D’après l’étude européenne, 0,9 % environ des personnes qui présentent des symptômes de dépression peuvent souffrir en réalité d’un « trouble bipolaire ». Il s’agit d’un trouble plus difficile à diagnostiquer qui se caractérise par l’alternance d’épisodes dépressifs et de périodes maniaques (agitation / euphorie / excitation excessives).

Article du CGB sur les troubles bipolaires

Certaines situations, comme une perte significative (un deuil par exemple) peuvent provoquer des symptômes pendant quelques semaines qui ressemblent à un épisode dépressif. Cela peut inclure un sentiment de tristesse, de la rumination, de l’insomnie, une perte d’appétit et une perte de poids. Il s’agit d’une réaction normale et attendue, mais qui ont tendance à s’atténuer avec le temps. Cependant, des idées de dévalorisation, les idées suicidaires, le ralentissement psychomoteur et une altération sévère du fonctionnement général et/ou la persistance de symptômes témoignent d’un épisode dépressif majeur et nécessitent une prise en charge.

Dans tous les cas, l’existence d’idées suicidaires est une urgence et doit être prise en charge le plus tôt possible. Le 3114 est le numéro national pour demander conseil ou de l’aide pour les idées suicidaires.

Quelles sont les causes de la dépression ? 

Elles sont multifactorielles. Si la dépression peut se manifester à tout âge, les adolescents et les jeunes adultes sont particulièrement vulnérables. 

Chez les jeunes, certains facteurs sont particulièrement présents, comme les changements hormonaux et cérébraux importants, des pressions sociales (réussite, orientation, relations amoureuses), une fragilité liée à l’identité encore en construction. De plus, les jeunes sont assez souvent trop exposés, ou trop tôt, aux violences, au harcèlement ou aux addictions. 

C’est globalement une période avec beaucoup de changements, pour des personnalités pas encore tout à fait solides, avec des ressources pas toujours à disposition. 

Toutefois, la dépression ne se manifeste pas toujours par une tristesse visible. Chez les jeunes, il peut y avoir une augmentation de l’irritabilité, de l’isolement social, une baisse brutale des résultats scolaires, une consommation accrue d’alcool ou de drogues, ainsi que des comportements à risque. Cela peut compliquer le diagnostic, car les signes sont confondus par l’entourage avec une « crise d’ado trop prolongé », y compris parfois par la personne elle-même. 

Il est important de noter que les symptômes de dépression surviennent généralement à l’âge moyen de 19,5 ans. Le fait de ne pas comprendre la pathologie et le manque d’accès aux soins adaptés peuvent également entraîner la persistance des symptômes, ce qui peut aggraver l’état psychique.

Est-ce que la question du genre a un impact dans la dépression ? 

Selon les données de Santé publique France (Baromètre 2021), la dépression affecte davantage les femmes que les hommes (15,6 % vs 9,3 %), y compris chez les jeunes de 18-24 ans (26,5 % vs 15,2 %).  

Dans une étude de 2025[3], réalisée auprès de 5 633 jeunes de 15 à 29 ans au printemps 2025, en métropole et dans les Outre-mer (DROM), 27 % des jeunes femmes participantes présentaient des symptômes cohérents avec le diagnostic de dépression. Chez les jeunes hommes, le taux était de 22 %. Avec l’âge, cela s’équilibre davantage entre les genres, avec toujours une prévalence plus importante chez les femmes.

Les études montrent également que, chez les hommes, la dépression s’exprime plus par l’agressivité, l’impulsivité ou les addictions, et engendre un repli sur soi, ce qui retarde souvent le diagnostic. 

Plusieurs éléments de compréhension, sans qu’ils soient exhaustifs, ont été mis en avant pour expliquer cette différence genrée : les facteurs hormonaux (les hormones sexuelles influencent l’humeur), les facteurs sociaux (tendance à encourager davantage les femmes à exprimer leur tristesse et les hommes à masquer leur souffrance), et l’exposition accrue à des expériences de vie traumatisantes (violences sexistes, harcèlement). 

Pourquoi est-ce important d’en parler ? 

Parce que la dépression n’est pas une fatalité. Des traitements efficaces existent : psychothérapies, une attention à l’hygiène de vie, parfois des médicaments, des thérapies alternatives, l’accompagnement social, du sport, etc. Le soutien bienveillant des proches (amis, famille, collègues) fait également partie des ressources efficaces sur lesquelles compter. Plus le diagnostic est réalisé tôt, plus la prise en charge est efficace et le rétablissement plus rapide et stable.  

Briser les tabous est essentiel : la dépression n’est pas une faiblesse personnelle, mais une maladie qu’on peut comprendre et qu’on peut traiter.

[1] H.U. Wittchen, F. Jacobi, J. Rehm et al, “The size and burden of mental disorders and other disorders of the brain in Europe 2010”, European Neuropsychopharmacology, 2011 

[2] https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/sante-mentale/depression-et-anxiete/donnees/#tabs

[3] Santé mentale des jeunes de l’Hexagone aux Outre-mer, https://www.institutmontaigne.org/publications/sante-mentale-des-jeunes-de-lhexagone-aux-outre-mer

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